Je viens de courir 100km en 12 heures et 35 minutes (introduction + chiffres clés)
1% better every day - DailyMax #155
Au sommaire :
Introduction
1er janvier au 1er mai : 1420km en 120 jours
00km à 30km : que du bonheur
30km à 50km : jusqu’ici tout va bien
50km à 70km : premier pas dans l’inconnu
70km à 95km : "If you're going through hell, keep going."
95km à 100km : voyage au bout de soi-même
100km + 30min : la peur de ma vie
Conclusion ? Prochain challenge ?
J'ai beau relire le titre de cet article, je n’en reviens toujours pas. Dimanche 1er mai 2022, j’ai couru 100km, en solitaire à Lisbonne, en 12 heures et 35 minutes. Je suis passé par tellement d’émotions, j’ai tellement de choses à raconter, que je sais pas où commencer.
Peut être tout simplement par vous redonner le lien de la newsletter qui explique l’origine du challenge : “Pourquoi (et comment) je vais courir 100km le 100ème jour de l'année”.
Et ensuite, par le plus facile : DATA DATA DATA !
120 jours d’entrainement (1er janvier - 1 mai)
1420 kilomètres parcourus (11,8 kilomètres par jour)
1.860.000 pas effectués (15.500 pas par jour)
390.000 calories brulées (3.250 calories par jour)
945 heures de sommeil (8 heures par nuit)
41.7 de rythme cardiaque moyen au repos (sur l’ensemble de la prépa)
Record personnel au semi-marathon à Austin en 1h41m21s (lien strava)
Record personnel au 15km, au 10miles et 20 km en 1h36 (lien strava)
Record personnel au 1km et 5km en 22 minutes (lien strava)
Mon premier 20 miles en 2h53 (lien strava) et premier 50km (lien strava)
Mon premier marathon en solo en 4h13 (lien strava)
Et 4 kilos perdus le jour de la course !
Comme vous pouvez le voir, les chiffres donnent le tournis (disponible sous format excel ici). Et encore plus avec les 2 graphiques ci-dessous.
Le premier graphique montre l’évolution du nombre de kilomètres par semaine et la dépense calorique moyenne. On voit tout de suite que le “kilométrage” monte très vite à cause du temps imparti, avec un pic dès la 8ème semaine à 100km.
On remarque une dépense énergétique moyenne stable malgré les grandes variations de distances parcourues. Que je cours 40km ou 105km par semaine, je reste sur une moyenne proche de 3200 calories brûlées par jour.
Le deuxième graphique met en avant mon super pouvoir : dormir n’importe où / n’importe quand. Réussir à maintenir 8 heures de sommeil effectif par nuit est sûrement la principale raison de mon absence de blessures (et capacité à endurer l’effort)
On remarque une légère augmentation de ma fréquence cardiaque au repos : 40.2 en janvier à 49.3 en mars puis 45.1 en avril. Cela peut s’expliquer par la nécessité de mon corps à “augmenter” sa capacité de récupération surtout pendant les phases de sommeil.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet. Je vais aborder la course étape par étape, sensations par sensations, sous forme de grands chapitres. Ces 100km ont été plus qu’une aventure, un véritable voyage au bout de moi-même. En réfléchissant à la structure de cet article, je vois 5 grands chapitres pour vous raconter l’histoire.
Mais avant de rentrer dans la course, je vous propose un petit paragraphe sur la phase d'entraînement. Qu’on se le dise, la course et la consécration à la fin sont la partie immergée de l’iceberg ("ce que l’on voit”), mais le plus gros du travail est les 4 mois qui ont précédé !
1er janvier au 1er mai : 1420km en 120 jours
Le plus important n’est pas la course en elle-même, mais toute la phase de préparation qui permet de se lancer confiant à l’idée de réussir, le jour J à 06h00 du matin. Avant de savoir courir 100km en une fois, il y a de nombreuses étapes à valider. Que je vais synthétiser au mieux dans ce chapitre
1 - Rendre l’objectif mesurable (et normé dans le temps)
Comme on ne change pas une formule qui marche à tous les coups, j’ai appliqué une nouvelle fois “ma méthode pour réaliser tous vos rêves 10x plus vite que tout le monde” (publiée en avril 2021). La première étape consiste à rendre mesurable l’objectif.
Lorsque je suis tombé sur cette vidéo (lien ici) qui a fait naître en moi l’envie de devenir “ultra-runner”, je suis facilement arrivé à l'objectif (un poil fou mais sinon c’est pas drôle) mesurable suivant : “réussir à courir 100km en une journée le 100ème jour de l’année.” (soit le 10 avril)
2 - Prendre un coach
J’ai ensuite pris un coach (Maxime Lopes) pour m’assurer de la faisabilité du challenge, partir dans la bonne direction et éviter le maximum d'erreurs. Malgré ses doutes sur ma capacité à réussir cet exploit en 100 jours, il a décidé de m’accompagner avec un plan d’entrainement ambitieux (faire rentrer 9 mois dans 3). Pour reprendre ses mots : “c’est faisable, mais accroche toi bien Maxime car il va falloir y aller fort… et dès demain.”
Le seul bémol sur l'ensemble du coaching, qui s’est dévoilé vers la fin de la préparation, est l’absence “d’expérience par lui-même” sur une course de 100km. À l’approche de la course, j’ai senti qu’il aurait été bon d’avoir un coach “qui l’a déjà fait”. Mais à juste titre, il m’a fait remarqué qu’il y a peu de demandes sur des challenges de cette envergure et que la majorité des personnes assez folles pour se lancer sur une course de 100km sont souvent bien expérimentées sur le sujet. Donc peu de demandes = peu de coachs “100km”. Make sense.
3 - Créer un système “sans motivation”
Ensuite ce fût aussi bête que méchant. Ne pas regarder le sommet de la montagne (sous peine de se cristalliser) mais décomposer l’objectif dans des étapes si petites que vous n’aurez pas besoin de motivation pour y arriver.
Avant de courir 100km, il faut franchir le cap de la course de 50km. Mais avant de courir 50km, il faut se tester sur 30km. Et pour se tester sereinement sur 30km, il faut déjà (rapidement) atteindre un volume hebdomadaire à 85/90km.
Et pour courir 90km par semaine, en gardant un jour de repos, cela fait une moyenne de 15km par jour. Si on part sur 10km du mardi au vendredi, il reste donc 2x25km à faire dans le weekend. Oui, ça fait beaucoup.
Mais comme pour mes 100 derniers rêves réalisés, petit à petit, un pas à la fois, l’impossible devient possible. Je suis parti sur 45km la première semaine, sans forcer, pour me mettre en confiance puis on a enchainé sur 75km. Au bout d’un mois, le 75km me paraissait normal, on a donc poussé à 85km. Puis 90km. Puis 100km en semaine 8 !
4 - Savoir ralentir mais ne pas s’arrêter
Il faut du temps pour créer une bonne habitude, mais 2 jours pour la perdre. Pour les challenges sportifs, c’est la même chose. Vous avez le droit de trouver cela difficile ou de décaler la ligne d’arrivée. Mais vous n’avez pas le droit de vous arrêter. S’il le faut, réduisez la marche encore et encore, mais continuez de faire un pas chaque jour vers l’objectif.
J’ai vécu trois moments très durs mentalement :
le 21 mars (lien strava) : 80ème jour de la préparation, mon corps s’arrête d’un coup, comme si on avait coupé le courant, au bout de 5km, un lundi matin à Austin. J’ai vu mon corps enclencher le mode “alerte danger” et mon esprit se concentrer uniquement sur le chemin le plus court pour rentrer à la maison. Assez flippant, je dois l'avouer.
la semaine post-50km (lien strava) : la fin de mon 50km fût si violente et désagréable, à tous les niveaux, qu’il me faudra 4 jours complets pour m’en remettre. Je me suis obligé à faire un peu de corde à sauter pour garder une certaine tension et ne pas tout lâcher. Je suis reparti avec un 8km, puis 10km, puis 12km…
Les 10 minutes chez moi après avoir fini mes 100km, mais je vous en parle en conclusion.
Avec les 4 jours de décalage sur le planning prévu et mon passage imprévu à Oaxaca début avril, nous avons décidé avec mon coach qu’il était plus sain de décaler la course du 10 avril au 1er mai, pour le temps de retrouver mes esprits mais surtout pour revenir à Lisbonne (avec sa température favorable et ses parcours tout plats).
5 - Success = 95% training + 5% “showing-up”
Je ne peux que confirmer cet adage. Lors la semaine précédant la course, appelée “deload-week”, où l’on décharge complètement le volume pour “faire du jus”, j’ai réalisé que j’étais prêt. La veille du départ, je me sentais capable de courir 100km. L’impossible (4 mois avant) était enfin devenu possible.
Il est évident qu’une course de 100km, ça se prépare physiquement, mais cela se prépare aussi techniquement. Surtout lorsque tu es en solitaire et que ton appartement est ton seul point de ravitaillement.
Pour vous donner un ordre d’idée, sur la journée, j’ai brulée 10.000 calories, bu 14 litres d’eau et perdu 4kgs. Pour maintenir mon énergie pendant 12 heures d’effort, la nutrition et l’hydration doivent être gérer avec grande précision : manger toutes les 20 minutes, boire toutes les 10 minutes, avoir 60/70gr de glucides par heure dans le ventre, recharger tous les nutriments et macro-nutriments en continu…
Dernier détail : le but étant de finir avant minuit, je me suis mis un départ à 06h00 du matin, pour être sûr d’avoir le temps, sans perdre trop de sommeil non plus. Succès à ce niveau d’ailleurs en 6h52 de sommeil effectif la veille du départ.
00km à 30km : que du bonheur
-00h30 : Réveil à 05h25 du matin pour avoir une bonne demi-heure pour se préparer. L’objectif est simple : manger 4 énormes tartines de beurre de cacahuète / confiture de framboise, s’habiller et prendre un café bien noir pour s’assurer une pause toilette avant le départ.
00h00 : Mon premier objectif de la journée est atteint : partir pile à 06h00. C’est un détail, mais ça me met directement de bonne humeur. Je vois que la température est agréable et la luminosité point déjà le bout de son nez.
00h30 : je croise les sorties des boites de nuit le long de la piste cyclable. Je rigole du regard complètement ébahi de ces personnes ivres ou droguées qui me regardent comme si j’étais un extraterrestre. En vrai, je les comprends !
01h30 : Après 90min et 15km, j’arrive sans aucun problème au magnifique pont Vasco de Gama. Dès la sortie du centre de Lisbonne, je ne vais croiser quasiment personne sur mon chemin. Demi-tour juste après le pont, pour atteindre le premier checkpoint de la journée.
03h07 : Retour à la maison pour changer de tenue, remplir mes gourdes et recharger mes poches en barres et gels énergétiques. Sur les conseils de mon coach, j’en profite aussi pour changer de paire de chaussures. Au bout de 3 heures, l’amortie est complètement abimée sur la chaussure, donc le fait d’alterner, permet à la chaussure de récupérer sa forme initiale.
03h10 : En descendant les 10 marches qui séparent mon appartement de la rue, un moment de lucidité transverse mon esprit, je réalise l’espace d’un instant dans quoi je me suis embarqué et à quel point la journée va être longue…
03h12 : Une inconnue, Maria, a vu mon post sur instagram et s’est proposée pour m’accompagner sur 5km avant l’heure du déjeuner. Elle m’attend à la sortie de chez moi. Rapide échange pour faire connaissance, pendant que je finis de manger mon sandwich peanut butter / confiture, et on se remet doucement à courir en direction de Belem.