Si vous venez de recevoir cette newsletter directement, je vous recommande de commencer par la première partie en cliquant sur le bouton ci-dessous. Je vous parler du “pourquoi” et des 4 mois d’entrainement qui ont précédé la course.
Au sommaire :
00km à 30km : que du bonheur
30km à 50km : jusqu’ici tout va bien
50km à 70km : premier pas dans l’inconnu
70km à 95km : "If you're going through hell, keep going."
95km à 100km : voyage au bout de soi-même
100km + 30min : la peur de ma vie
Conclusion ? Prochain challenge ?
00km à 30km : que du bonheur
-00h30 : Réveil à 05h25 du matin pour avoir une bonne demi-heure pour se préparer. L’objectif est simple : manger 4 énormes tartines de beurre de cacahuète / confiture de framboise, s’habiller et prendre un café bien noir pour s’assurer une pause toilette avant le départ.
00h00 : Mon premier objectif de la journée est atteint : partir pile à 06h00. C’est un détail, mais ça me met directement de bonne humeur. Je vois que la température est agréable et la luminosité point déjà le bout de son nez.
00h30 : je croise les sorties des boites de nuit le long de la piste cyclable. Je rigole du regard complètement ébahi de ces personnes ivres ou droguées qui me regardent comme si j’étais un extraterrestre. En vrai, je les comprends !
01h30 : Après 90min et 15km, j’arrive sans aucun problème au magnifique pont Vasco de Gama. Dès la sortie du centre de Lisbonne, je ne vais croiser quasiment personne sur mon chemin. Demi-tour juste après le pont, pour atteindre le premier checkpoint de la journée.
03h07 : Retour à la maison pour changer de tenue, remplir mes gourdes et recharger mes poches en barres et gels énergétiques. Sur les conseils de mon coach, j’en profite aussi pour changer de paire de chaussures. Au bout de 3 heures, l’amortie est complètement abimée sur la chaussure, donc le fait d’alterner, permet à la chaussure de récupérer sa forme initiale.
03h10 : En descendant les 10 marches qui séparent mon appartement de la rue, un moment de lucidité transverse mon esprit, je réalise l’espace d’un instant dans quoi je me suis embarqué et à quel point la journée va être longue…
03h12 : Une inconnue, Maria, a vu mon post sur instagram et s’est proposée pour m’accompagner sur 5km avant l’heure du déjeuner. Elle m’attend à la sortie de chez moi. Rapide échange pour faire connaissance, pendant que je finis de manger mon sandwich peanut butter / confiture, et on se remet doucement à courir en direction de Belem.
30km à 50km : jusqu’ici tout va bien
03h36 : Maria semble fatiguée au bout de 3km et décide de marcher. Mon objectif est différent : je souhaite garder mon rythme le plus longtemps possible, avant que les crampes commencent à drastiquement diminuer ma vitesse moyenne. Je lui propose de marcher pendant que je vais continue pour faire demi-tour à Belem.
03h55 : Je récupère Maria sur le chemin du retour qui accepte de m’accompagner jusqu’au 40ème kilomètre. Le fait d’avoir de la discussion procure deux avantages non négligeables : mon esprit est concentré sur autre chose que mes sensations physiques et cela m’oblige à garder un rythme léger (et constant) pour pouvoir parler sans être essoufflé.
04h17: I reach the 40km without too much difficulty, nor any problem on the horizon. This makes me feel better, because I was afraid of reliving the 50km race in Austin, where all the lights went in the red at kilometer 40. The heat is gradually rising and I am back to running by myself. My speed has decreased slightly but is still decent at 6:25/km. Still no cramps in the legs. We continue smiling.
04h31 : nouveau checkpoint important dans ma vie de coureur : un 2ème marathon à mon palmarès ! Un élan de fierté s’empare de moi en réalisant que ces 42km, un exploit pour nombreux, est "simplement" la moitié de ce que je vais faire aujourd’hui. Ce challenge m’a littéralement fait changer de catégorie.
05h30 : retour à la maison pour le 2ème checkpoint de la journée tous juste avant midi comme prévu au 50ème kilomètre. C’est un moment important, car je rentre maintenant dans l’inconnu. Je n’ai aucune idée de comment mon corps va réagir à partir de là. Je remarque qu’il devient très dur de continuer à manger. Mon estomac se referme rien qu’à l’odeur des barres CLIF que j’enchaine depuis le lever du soleil. Premier voyant qui clignote sur le tableau de bord…
50km à 70km : premier pas dans l’inconnu
05h41 : Bonne nouvelle ! Sam, un ami sur Lisbonne, propose de me rejoindre à Praça do Comércio avec sa femme pour m’accompagner sur 10/15 km dans 1 heure. Parfait, je pars en direction de la place, que je vais attendre 20min plus tard.
06h20 : 56km au compteur, je fais demi-tour pour rejoindre Sam. Si mes calculs sont bons, je serai sur la place au kilomètre 60.
06h47 : Je retrouve Sam et sa femme avec comme prévu, avec 60km au compteur. Ils sont plein d’énergie et tout sourire. J’en profite pour me laisser porter et suivre leurs pas, ce qui me donne un nouvelle élan ! Ma course devient plus saccadée au fur et à mesure que la journée avance. Je cours environ 2 minutes puis 1 minute. Le soleil est au zénith, il fait très chaud. Je remarque à quel point je perds du sel, mon tshirt noir est recouvert de taches blanches.
07h49 : On atteint une nouvelle fois Belem, avec cette fois-ci 68km au compteur. On fait demi-tour devant le magnifique monument “Padrão dos Descobrimentos”. Ma vitesse moyenne se rapproche doucement des 7 minutes au kilomètre. Dans les faits, je tourne facilement autour de 9 minutes par kilomètre. C’est un vrai dilemme sur le sport d’endurance : si tu vas trop vite, tu peux exploser en vol. Mais si tu vas trop lentement, ça peut rajouter des heures au compteur augmentant le risque d'abandonner.
08h08 : Je franchis la barre des 70km, toujours en compagnie de mes deux acolytes. Coup d’oeil rapide à ma montre, cela fait maintenant 8 heures que je cours. Je n’en reviens pas. Je décide de les laisser continuer pour repasser par chez moi faire un arrêt aux stands. J’ai le pressentiment qu’on va “enfin” rentrer dans le dur…
70km à 95km : "If you're going through hell, keep going."
08h39 : Je suis de retour chez moi pour le 3ème checkpoint. Je recharge les gourdes et mes poches en barres énergétique et je change une dernière fois de chaussures. Histoire de me faire plaisir, je change même de casquette !
08h45 : Je ferme la porte de l’immeuble, je suis devant chez moi. Je prends le temps de manger mon sandwich de peanut butter / confiture (le 7ème de la journée). Nouvelle bonne nouvelle ! Une nouvelle inconnue, Natalia, se propose de venir courir 10km et m’attends au “jardim sá da bandeira”, à coté de Timeout Market. C'est parti mon kiki !
09h00 : Pile au moment où ma montre indique 09h00, je retrouve Natalia. On décide de repartir sur Belem.
09h35 : Il me faudra 1h30 pour faire 10km et atteindre la barre des 80km, soit une vitesse de 6.7 km/h. En clair, je ne suis pas loin d’une marche “dynamique” qu’on estime à 6,4 km/h. De toutes les façons, je ne peux pas faire mieux. Genre je suis au max du max (sans jeu de mots).
10h00 : 83km au compteur. Ma vitesse au kilomètre ralentie à vue d’oeil. J’ai des crampes violentes sur l’arrière des cuisses, les fesses et les mollets. Même le dessous de pieds commence à faire mal. Tous les voyants du tableau de bord clignotent. Le corps crie “Stop. Please. Stop.”
10h12 : Mon amie Margaud nous rejoint au kilomètre 84 pour courir 5km avec nous. Je pars dans un fou rire en imaginant ce que pensent les gens qui me regardent courir tel un zombie accompagné par ces deux jolies coaches : “oh regarde le pauvre, cela semble si dur pour lui, alors que pour les deux autres cela semble si facile. Il a pas l’air à l’aise avec la course à pied le jeune homme, faudrait pas qu’il force comme ça”. Et moi, dans ma tête, la petite voix qui hurle : “CA FAIT 10 HEURES QUE JE COURS PUTAIN !”
10h47 : Retour au Time Out Market pour déposer Natalia (qui doit prendre son train). On repart à l’est avec Margaud pour viser les 90km. Je ne peux plus parler ni réfléchir. Toute mon attention est dirigée vers mes jambes. Faire quelques mètres en trottinant, attendre que la douleur soit trop forte, marcher quelques mètres, attendre que la douleur soit tolérable, recommencer…
11h03 : Nous y sommes. Dernière ligne droite. Dernier 10km. C’est quoi 10km dans une course de 100km ? C’est quoi 10km dans une vie ? C’est rien 10km. Tu l’as déjà fait des centaines de fois Maxime…
11h32 : Margaud me quitte, je me retrouve seul “one last time”. Je mets mes airpods et lance un mix electro de Pretty Pink. J’ai besoin d’un tempo qui va vite, avec des grosses basses. À ce moment là, je ne sais pas que je suis à quelques mètres m’effondrer physiologiquement…
95km à 100km : voyage au bout de soi-même
11h50 : J’approche des 12 heures d’effort. Une putain de journée ! L’équivalent d’un Paris - Los Angeles. Quand ma montre sonne pour la 95ème fois, pour annoncer le 95ème kilomètre, je m’effondre en larmes. Je n’en peux littéralement plus. Je ne peux plus courir, je ne peux plus marcher et je ne peux même pas rester debout à cause de la douleur sur l’ensemble des mes jambes. Je pleure car je commence à imaginer l’échec. Le pire des échecs. Échouer à 5km de l’arrivée…
11h59 : Je reçois des dizaines de messages sur instagram et whatsapp. Les gens voient que je suis en train de flancher. Chaque petit message et note vocales me redonne un petit boost d’énergie. Mon ami Badr me dit : “Mec, il est juste hors de question que tu abandonnes à 5km de la fin, alors tu arrêtes de te focaliser sur la ligne d’arrivée et concentre toi sur les 100 prochains mètres. Cours 100m, marche 100m. Chaque bloc de 200m est un succès en soi. Oublie les 5km restants, concentre toi sur les 200 prochains mètres”. Chef Oui Chef!
12h08 : Kilomètre 97. Plus que 3. je retrouve un regain d’énergie à l’approche de la ligne d’arrivée. Petit à petit, je sors de l’ombre pour retrouver une lueur d’espoir, je vois le bout du tunnel ! Je me rends compte que c’est maintenant "quasiment sûr" que je vais y arriver. Je ne vois pas ce qui pourrait se passer en 3 kilomètres. Go Max Go !
12h17 : Kilomètre 98. Je pleurs, je suis dans tous les états. Je passe de la joie à la tristesse, comme dans une montagne russe sans fin. Mon corps est complètement shooté à la douleur et aux endorphines. Je ne vois pas plus loin que le bout de mes pieds. Je compte dans ma tête jusqu’à 10, puis je marche. Je recompte jusqu’à 10, puis je cours.
12h26 : Kilomètre 99. Oh My God, this is happening ! Je vais réussir l’impossible !
12h35 : Kilomètre 100. Le bip final de ma Garmin. Le 100ème bip de la journée. Le bip de la délivrance. Je regarde ma montre sauvegarder ma course. Une pensée horrible traverse mon esprit : “imagine la montre plante et la course ne s’enregistre pas!”. Heureusement, l’écran change et me montre l’exploit en 4 chiffres : 12 heures et 35 min de course, 100km parcourus, 7:33/km de vitesse moyenne et 7000 calories brulées pendant l’effort.
100km + 30min : la peur de ma vie
Juste après m'être assuré que la course était sauvegardé sur ma Garmin, je me suis assis le long du trottoir. Mais d'un coup, mon esprit a commencé paniquer J'ai senti que mon corps était en train de se mettre en veille tout seul et que j'étais au milieu de la rue...
Je me dépêche de rentrer chez moi, je monte les 10 marches qui me séparent de mon appartement, je tourne la clef et je m'assois sur le canapé. Je prends terriblement peur. Je ne comprends pas ce qui se passe. Comme si toutes les fonctions vitales de mon corps étaient en train de s'éteindre toutes seules, les unes après les autres. Mon corps se met à trembler tout seul, j'ai les dents qui claquent, j'ai la chair de poule.
"Ok Max, si tu tombes dans le coma maintenant, tu es seul chez toi, tu peux mourir. Focus".
J'appelle mon amie Brianna et je lui demande de rester en video-call avec moi, le temps de voir ce qui se passe. Je pleure, je tremble, je grelotte. C'est juste horrible. J'ai si froid... Entendre quelque me parler me fait du bien. Je vais rester des longues minutes, inerte sur le canapé, en position latérale de sécurité, dans l'obscurité de mon appart. Oui, le soleil est déjà couché.
Au bout de 30min, j'utilise mes dernières ressources pour me déshabiller et aller prendre une douche chaude, qui me fera un bien fou. 60min après avoir ouvert la porte, je reprends enfin mes esprits. La peur est passée. Je me fais réchauffer un plat de pâtes.
22h00. Je me mets au lit en réalisant deux choses : l'incroyable aventure que je viens de vivre (Merci mon corps!) et que la nuit va être compliquée (j'ai des crampes quelque soit ma position dans le lit)
Conclusion ? Prochain challenge ?
Ce nouveau rêve réalisé montre une nouvelle fois que "tout est possible". Que nous n'avons pas de limite, à la fois physique et mentale. L'humain est vraiment un phénomène de la nature incroyable, qui ne cesse d'évoluer (pour le pire comme pour le meilleur) depuis des millénaires.
Quand je regarde ma bucket list et ses +70 rêves réalisés depuis le 1er janvier 2020, je me rends vraiment compte à quel point nous n'avons pas de limite : faire l'ascension du Mont Blanc, lire 65 livres en une année, biker-Packer seul en Nouvelle-Zélande pendant 1200km de vélo, apprendre une 3ème langue ou encore passer 4 jours dans la jungle mexicaine sans parler ni boire ou manger.
Et encore une fois, ce challenge démontre la force de ma méthode (disponible ici). Si vous enlevez la motivation de l'équation, que vous définissez un objectif mesurable et le système "des petites victoires" associé, alors vous pouvez littéralement tout atteindre. Même vos rêves les plus fous.
Chacun étant unique et différent, pour certains "courir 100km" peut demander une année de préparation ou plus, mais je vous garanti que si vous courez un peu chaque jour, au bout d'un moment, vous serez prêt à prendre le départ d'un 100km.
Et donc ? On fait quoi après un 100km ?
On peut passer à la catégorie supérieure : "Courir 100 miles (160km)". Mais on va couper court tout de suite. Je n'ai pas envie, mais alors PAS DU TOUT envie, de repartir sur un challenge d'endurance.
Au moment où j'écris ces lignes, 1 semaine pile après ma course, j'ai remis les chaussures pour un petit 10km sous le soleil de Lisbon. J'ai pris du plaisir, je me sentais bien mais 10km était largement suffisant. Je ne me vois pas redonner à la course à pied autant d'importance dans mes journées que sur les 4 derniers mois.
Courir 10 à 20km par jour impacte votre vie bien plus qu'on le pense. Par exemple, quand vous devez courir 20km dans la journée, il faut réfléchir à quel moment sera l'entrainement, donc il faut organiser le reste autour. Il faut réfléchir à ce que vous allez manger, savoir si cela va être suffisant. Il faut réfléchir aussi à l'heure du coucher, donc préparer sa soirée en fonction. 20km représente environ 2h00 de course, auquel il faut rajouter les 15min avant et facile 30 min après, soit pratiquement 3 heures au total. Sans oublier la fatigue physique et mental sur le reste de la journée. En d'autres mots, votre vie tourne autour, et non le contraire.
Donc il est temps pour moi de passer à autre chose. Un autre challenge physique. Je vous l'annonce dans quelques jours sur ma newsletter (disponible ici). Et oui il est déjà trouvé. Allez je suis sympa, je vous donne le titre : "Prochain challenge : courir (très) vite et soulever (très) lourd" !